À ne pas confondre avec la philanthropie sur les réseaux sociaux, le concept de l’économie du don en ligne fait référence à l’échange de biens, de services ou de contenus sans attentes explicites de retour ou de compensation. Il repose sur l’idée de réciprocité, où les individus contribuent et partagent des ressources de manière volontaire, créant ainsi un système basé sur l’entraide mutuelle et la générosité plutôt que sur des transactions. L’article de Mark Bonchek “How to Thrive in Social Media’s Gift Economy” (2012), illustre bien le parallèle entre relation et transaction où la monnaie d’échange est soit social ou pécuniaire. Son exemple du déménagement dans un nouvel appartement est très éloquent pour démontrer ce qu’est l’économie du don.
Le jardin – Exemple pour illustrer le concept
Dans un jardin communautaire, les membres contribuent de leur temps, de leurs ressources et de leur expertise pour cultiver et entretenir le jardin collectivement. Les gens partagent des graines, des outils de jardinage et des connaissances sur les techniques de culture sans attendre de compensation financière directe. Chaque individu investit dans le jardin en fournissant son travail et en partageant sa récolte avec la communauté.
Cet environnement fonctionne sur les principes d’une économie du don, où l’accent principal est mis sur l’objectif commun de cultiver le jardin, de renforcer les liens communautaires et de partager la récolte.
En revanche, si le jardin fonctionnait comme une entreprise commerciale, chaque personne impliquée serait embauchée et rémunérée pour des tâches spécifiques. Les contributions seraient transactionnelles, avec une compensation financière pour le temps et le travail de chacune. Dans ce scénario, le jardin fonctionnerait selon une économie de marché, où les transactions sont basées sur l’échange monétaire, et dans laquelle chaque contributeur(trice) s’attend à une compensation directe.
Quand l’entreprise veut sa part du gâteau
Beaucoup d’entreprises peinent à percer sur les réseaux sociaux en raison de leur difficulté à passer de l’économie de marché à l’économie du don. Pourtant, la recette est simple, selon Bonchek :
- Le contexte : Le cadeau ou service doit être le résultat d’une relation et non d’une transaction.
- La monnaie d’échange : Une monnaie sociale et non pécuniaire.
- Le statut : Mérité plutôt qu’acheté.
Outre l’entreprise Kraft, dont Bonchek fait mention dans son article, qui a réussi à tirer parti des plateformes de médias sociaux en reconnaissant la valeur des recettes en tant que monnaie sociale, Starbucks est une autre marque qui se démarque dans l’utilisation du concept de l’économie du don.
Starbucks a efficacement adopté les médias sociaux comme plateforme d’engagement et de connexion. Elle a cultivé une forte communauté en ligne autour de sa marque, encourageant les clients à partager leurs expériences, leurs histoires et leur contenu sur divers canaux de médias sociaux.
Une campagne notable de Starbucks a été le “Concours White Cup” en 2014, où les clients étaient invités à décorer et personnaliser leurs gobelets Starbucks, puis à partager des images de leurs créations sur les médias sociaux en utilisant un hashtag spécifique. Starbucks a transformé ces designs partagés en une galerie d’art, mettant en valeur la créativité de leurs clients et transformant leurs gobelets en une monnaie sociale.
De plus, Starbucks a engagé les clients grâce à des initiatives telles que la campagne “Starbucks for Life” qui a fêté ses 10 ans en 2023. Le concours permet aux participants de gagner des points en effectuant des achats et en interagissant avec la marque sur les réseaux sociaux durant une durée limitée, récoltant ainsi des récompenses telles que du café gratuit et des cartes-cadeaux.
L’approche de Starbucks met l’accent sur la création d’une expérience axée sur la communauté, en exploitant l’économie du don par l’engagement des utilisateur(trice)s, en encourageant la création de contenu et en valorisant les contributions au-delà des simples transactions.
Les 12 facteurs clés de l’économie du don
- Les utilisateurs partagent librement des informations, des connaissances et des ressources avec leurs communautés en ligne.
- Ce partage s’étend souvent à la création de contenus, où les individus produisent et distribuent du contenu sans rechercher une compensation monétaire directe.
- Les plateformes de médias sociaux encouragent l’engagement et l’interaction.
- Les utilisateurs participent activement aux discussions, commentent les publications des autres, donnent leur avis et collaborent à divers projets.
- À travers les dons et le partage, des communautés en ligne sont créées et renforcées.
- Les gens se connectent sur la base d’intérêts, de valeurs ou d’objectifs communs, favorisant un sentiment d’appartenance et de camaraderie.
- Bien qu’il n’y ait pas nécessairement d’attente immédiate de contrepartie, l’acte de don peut créer une forme de capital social.
- Les gens ont souvent tendance à rendre la pareille à des actes de gentillesse ou de générosité, créant ainsi un réseau de bonnes intentions.
- Une participation active et des contributions précieuses conduisent souvent à l’établissement de crédibilité et d’influence au sein des réseaux sociaux.
- Les individus ayant une réputation de générosité ou d’expertise ont tendance à avoir plus d’influence dans leurs communautés respectives.
- La nature du partage sur les réseaux sociaux conduit souvent à ce que le contenu ou les contributions deviennent viraux.
- Les informations ou le contenu partagé dans ces réseaux peuvent rapidement atteindre un large public.
Du don physique vers un don virtuel
La technologie contribue à changer la manière dont le don est perçu, passant d’une conception centrée sur des objets physiques offerts lors d’occasions spéciales et emballés comme des cadeaux, à une pratique quotidienne omniprésente où les aspects fonctionnels et sociaux se mélangent de plus en plus. Les utilisateurs finaux semblent compenser la tendance croissante à quantifier, rationaliser et rendre explicites les interactions sociales en valorisant davantage une approche sociale basée sur la considération, où ils expriment de manière plus active des préoccupations et des intentions de nature qualitative (Skågeby, 2010).
L’économie du don sur les réseaux sociaux représente un changement par rapport aux modèles économiques traditionnels en mettant l’accent sur la communauté, la collaboration et la générosité. Elle favorise une culture de partage, de création de valeur collective et de connexions sociales, contribuant ainsi à la dynamique des espaces sociaux en ligne. Les entreprises qui veulent percer doivent emboiter le pas à ce changement de paradigme.
Tel que le propose Levine, Locke, Searls & Weinberger dans “Le Manifeste des évidences” (1999), les organisations qui n’ont pas peur de leurs clients, et qui savent être à l’écoute de leurs besoins et préoccupations, réussiront à bâtir des relations durables avec leurs clientèles. Ce sont ces mêmes entreprises qui sauront tirer leur épingle du jeu dans l’économie du don.






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